Originaire d'Écosse, clàrsach sous le bras, Maeve Gilchrist s’est installée aux États-Unis où elle a développé un son unique entre musique celtique, jazz et musique expérimentale. La sortie de son nouvel album, 20 Chandler Street, nous donne l'occasion de revenir sur le parcours atypique d'une des plus talentueuses harpistes d'aujourd'hui.

Maeve Gilchrist
1985 - Née à Édimbourg (Écosse) d'une mère irlandaise et d'un père écossais
1995 - Études de piano classique, harpe à pédales et harpe celtique pendant 7 ans au sein de l’École de Musique d’Édimbourg
2003 - Études au Berklee College of Music de Boston (États-Unis)
2006 - CD Reaching Me
2010 - CD Song of Delight (Adventure Music)
2013 - Professeur de harpe celtique au Berklee College of Music
2013 - CD The Ostinato Project
2013 - Duo with Nic Gareiss lancé à Celtic Connections (Écosse).
2013-2014 - Méthode et recueil d’arrangements de morceaux des Beatles pour débutant, recueil de chants de Noël (Hal Leonard Music)
2014 - CD 20 Chandler Street (Adventure Music). S’installe à New York où elle entame de nombreuses tournées sous son nom et en compagnie de Darol Anger et Tony Trishka.
Maeve Gilchrist : Mon père est critique musical et l'un des meilleurs connaisseurs de la musique traditionnelle que j’ai jamais connu. Sa collection de disques comprenait de la musique classique contemporaine, beaucoup de bon rock classique, du jazz de chez ECM, Ravi Shankar, Fairport Convention - tout ce à quoi vous pouvez penser ! À la maison, il y avait toujours de la musique lors de soirées et d’occasions de toute nature se terminant en session. Violons, piano, cornemuses – tout gravitait autour de moi, inculquant certainement une joie de la musique qui ne s’en est jamais allée. Cela m’a appris également la fonction naturelle de connexion de la musique.
Quand j'avais dix ans, je suis entrée à l’École de Musique d’Édimbourg. L'une des expériences musicales les plus émouvantes que j'ai connue très tôt a été de participer à la nouvelle composition de Martyn Bennet (un de mes héros musicaux), Les Mémoires de Mackay, à l'ouverture du Parlement écossais en 1999. La combinaison de la musique, l'occasion, mon grand-père patriotique et fier debout dans le public : ce concert et bien d’autres par la suite m’ont beaucoup touchée et c’est ainsi que grâce à l’école de musique, le désir de devenir musicienne professionnelle s’est ancré définitivement.
J’étais attirée par toute sorte d’artistes : les sombres cascades libres et colorées de la harpe de Kristen Noguès ; Tom Waits (en particulier de la première période). Je passais des heures à jouer sur le piano et chanter tout Asylum Years dans des tonalités bien trop basses pour ma voix. Il y avait aussi l’émission de Jools Holland que je regardais tard le vendredi soir et où l’on pouvait entendre toute sorte de musiques formidables. Juste après, j’allais souvent au piano pour rejouer certains morceaux - en y repensant, c’est étonnant que mes parents ne se soient jamais plaints!
De l'Écosse aux États-Unis
La harpe est très présente dans ma famille avec deux tantes harpistes professionnelles (Kathleen Loughnane et Máiréad Doherty) ainsi qu’un cousin du côté de ma mère. Cela m’a certainement influencée mais j'ai aussi eu la chance de vivre à Édimbourg, une ville où l’on est plongé dans un bain de musique traditionnelle écossaise dès le plus jeune âge. Choisir d’apprendre la harpe celtique - instrument traditionnel de la musique écossaise - n’est pas un choix aussi surprenant que cela peut l’être pour quelqu’un grandissant ici, aux États-Unis.
J'ai commencé la clàrsach quand j'avais huit ans et pris des leçons pendant quelques années avec une grande musicienne, Wendy Stewart, avant d’aller étudier avec Isobel Mieras. Isobel est un professeur incroyable. Elle encourage et pousse la curiosité musicale en permanence, aidant à faire ressortir l’émotion par des images, tout en développant une technique solide. Elle écrivait des mots sur mes partitions comme "espiègle", "mystérieux", voire même "sexy" !! Je suis très reconnaissante envers Isobel pour avoir été une telle source d'inspiration.
Connaissant mon intérêt pour le jazz et l'improvisation, Tudor Morris - le directeur de l’école de musique d'Édimbourg - a suggéré que je sois candidate à Berklee (Boston, États-Unis), une école pouvant répondre à mes différents intérêts musicaux, tout en m’apportant les outils nécessaires à un musicien d’aujourd’hui. Berklee est un endroit idéal pour une jeune musicienne curieuse et motivée. Les ressources semblent sans fin et la concurrence très motivante. Il y a tant de musiciens de partout dans le monde à venir y suivre les cours.
Le programme sur les origines américaines est vraiment en pleine effervescence en ce moment. Il a été créé pour accueillir tous les jeunes musiciens issus de l'école de bluegrass, musique originelle, de la musique aux fondements des Appalaches et celtiques ayant un intérêt dans le développement de leurs compétences dans la musique contemporaine, notions harmoniques, etc. Les étudiants ont la possibilité d'étudier avec des professeurs d'instruments extérieurs. Après mes études, j'ai été engagé au département des cordes et des origines. J’y enseigne la harpe à leviers et à pédales parmi des guitaristes, mandolinistes, violoneux et ensembles de techniques stylistiques diverses.
Inspirée par la tradition
J'adore les détails, les textures et les couleurs. Ces choses me plaisent ; pas seulement dans la musique mais aussi dans l'art, la littérature et le cinéma. J'ai toujours été curieuse de connaître la fine ligne entre le réel et le surréel. Cela se traduit probablement musicalement en dedans et en dehors de la tradition, tout comme en dedans et en dehors du quotidien. Tous deux se manifestent de manière égale et travailler les deux avec goût demande un effort permanent.
Vivant à New York où il y a eu historiquement une si forte scène de musique irlandaise au cours du siècle dernier, j'ai été amenée à jouer plus de musique irlandaise qu’écossaise récemment. Cependant, selon ce que je joue, il devient plus ou moins évident que ma musique est davantage inspirée par l'Écosse mais toujours dans la plus subtile des manières. Cela ressort probablement davantage dans ma musique plus ésotérique, comme l’Ostinato Project, notamment dans les choix mélodiques, le phrasé, et la constante ornementation.
Récemment, composant de nouvelles idées de texture, je me suis penchée sur de la musique de Piobaireachd dont j’apprécie particulièrement l'espace et l'ornementation menant à certaines notes. Dans mon écriture, cela a abouti à créer de petits motifs interchangeables composés de notes répétées. L’origine de ces sonorités n’est peut-être pas évidente à l'auditeur mais elle est le fondement de ma musique et touche au cœur d’une manière plus profondément enracinée.
Mon duo avec le danseur percussif Nic Gareiss est une collaboration réfléchie et subtile rassemblant harpe et danse. Nos « instruments » respectifs représentent souvent deux extrémités complètement différentes du spectre musical : la harpe est souvent associée à un moment romantique et calme, voire éthérée, alors que les danseurs arrivent au moment où la musique est bien lancée ajoutant toujours plus d'énergie au spectacle ! Nous voulions créer un projet artistique où la harpe peut parfois devenir un moteur, une force rythmique et, subsidiairement, la danse peut jouer un rôle legato plus mélodique, et vice versa. Le fondement de ce partenariat nous a poussés à utiliser nos « instruments » avec autant de contrastes possibles et à explorer toutes les ambiances également possibles.
La liberté et la fraîcheur de création spontanée m’attire beaucoup. À tout instant de la musique traditionnelle se produisent des moments d'improvisation : petites variations, ornementations, choix de phrasés. Plus les musiciens sont réceptifs à ces petits instants d’improvisation, plus leur jeu devient actif et impliqué. À l’écoute de certains des premiers maîtres de violoneux irlandais (comme Michael Coleman, Tommy Potts, Padraig O 'Keefe...), on entend constamment l’incroyable fluidité de leurs variations. Dans un genre comme le jazz, ou toute sorte de musique contemporaine axée sur l'improvisation, celle-ci est à une échelle beaucoup plus grande. Il est important de connaître le contexte de ce que vous jouez pour vous assurer que votre improvisation reste de bon goût.
20 Chandler Street
20 Chandler Street a été enregistré il y a en fait quelques années et cela a pris un certain temps pour le sortir. À l’inverse de l’Ostinato Project dont la base repose sur des idées musicales abstraites, ce sont mes racines traditionnelles qui véhiculent un matériau plus abstrait dans le disque 20 Chandler St. Cet enregistrement a été aussi pour moi l’occasion d’avoir beaucoup de plaisir à partager avec d'autres musiciens - l'aspect conversationnel de la musique est l'une des choses les plus agréables pour moi.
C’est au moment où je suis retournée à Boston en 2009, que j’ai commencé à m'impliquer dans ce que nous appelons la « nouvelle scène acoustique » (musiciens traditionnels de différentes origines s’intéressant à la création de nouvelles musiques et collaborant de différentes manières). Ces 4-5 années restent de grandes années de concerts pour moi tant on se sentait bien à faire partie d’une scène active.
Chaque été, je me retrouvais au camp musical de Shasta Music Summit en Californie - un camp incroyable créé par les frères et sœurs, Tristan et Tashina Clarridge (des groupes Crooked Still, the Bee eaters, Tony Trishka band, etc. etc.). Au camp, se retrouvaient des musiciens merveilleux de toutes sortes pour simplement faire de la musique. Cela a grandement influencé mon jeu. Il me fallait trouver un moyen de faire entendre la harpe dans différents groupes instrumentaux sans marcher sur les pieds des autres. Je me souviens avoir ainsi partagé un magnifique après-midi ensoleillé avec Roger Tallroth (du groupe Väsen). J'adore le son piqué de la harpe avec sa manière unique de jouer de la guitare, comme pour tricoter. Il est impossible d’enfermer un musicien comme lui dans une boîte. Son jeu transcende toutes les frontières stylistiques et géographiques - Roger est un artiste et une pensée musicale uniques.
Nous avons tourné un certain nombre d'années avec Aidan O'Donnell et Duncan Wickel. Aidan est aussi Écossais, mais nous nous sommes rencontrés lorsque je suis arrivée à New York en 2007. Nous avons créé des liens comme deux Écossais dans une ville étrangère et j'ai été comblée par son jeu magnifique. Wickel vient d'un milieu traditionnel irlandais, mais a déménagé pour élargir ses connaissances et son expérience en bluegrass et jazz. Il est un improvisateur incroyable et un musicien très réfléchi. Darol Anger a été un mentor et un ami très cher depuis que je l'ai rencontré en 2009. Il m’a accueillie très chaleureusement lors de nombreux événements musicaux, à la fois en tant que membre de son groupe et dans mes propres projets.
Dear Maeve. I hope this message finds you well and enjoying a peaceful, loving day wherever you are in the world .
You may not recall me but I’m David Penney from Lunenburg Nova Scotia .the house just down the hill from the Lunenburg Academy … and I had the pleasure of meeting you last summer during Boxwood.
Last evening while at house patry, an Irish friend of mine told me that her new granddaughter had been named “Maeve” … think of that …. !
All the best Maeve and much joy to you and yours in 2016. If you’re ever up our way again, please drop by..
Sincerely
David